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[RP FERME] De la rencontre du feu et de la glace | Clôturé

Publié : 17 sept. 2024, 02:13
par Yiajmhat
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Le temps est à la grisaille ; les rafales désespérées ne parviennent à en chasser l'écran opaque, l'empyrée demeure harassé par les nuages bas que le large charrie sur les côtes de la capitale telle une écume tenace. L'aube s'est tout juste manifestée en aquarelle rosâtre par delà l'horizon dentelé de remparts et signale à la nature environnante de s'éveiller. À une heure où rares sont les habitants à éclore de leurs confortables bourgeons fermés à clef, Dread s'aventure d'ores et déjà hors des remparts de Seirithan munie d'une besace dont le ventre glouton compte quelques outils de botaniste : loupe, sécateur, pinces, gants et flacons, une panoplie qui ne la quitte jamais lorsqu'elle bat la campagne abordant la grande cité de Toryai. Un autre instrument fixé à sa ceinture longe perpendiculairement son échine et n'est autre qu'un petit sabre dont la surface damassée est une spécialité lykéenne. La lame droite est sagement rangée dans son fourreau de bois verni, prête à être dégainée au moindre danger. La jeune femme a pris soin de relever sa longue tignasse raide d'un noir de jais en un chignon désordonné au sommet de son crâne dont deux mèches réfutent l'autorité en encadrant son visage anguleux aux traits si caractéristiques des clans montagneux. L'air frais l'a contrainte à revêtir un veston de cuir à manches longues dont le brun rappelle l'écorce des végétaux endémiques et dont elle ferme précautionneusement le col tandis qu'elle quitte la route principale en glanant quelques galets érodés par les crues de l'océan afin de rejoindre une petite butte herbeuse sur laquelle elle s'agenouille.

Toute sortie de sa part s'accompagne d'une prière aux éléments que Dread ritualise en ce jour par la reconstruction d'un cairn régulièrement assiégé et balayé par Dame Nature et qui se trouve à quelques cinquantes mètres de l'entrée majeure de la cité du marquisat. Bâtissant solennellement ce temple parasite avec la minutie d'un horloger, la jeune femme récite avec diligence les mantras de leur culte local. Connue pour être spirituelle et très traditionnaliste, la famille Morcedred est une institution parmi la population de Seirithan. Pharmaciens, minéralogistes, horticulteurs, nombreux sont ses cousins, oncles et aïeux à se partager les différentes disciplines des sciences de la vie dont la composante humaine fait rarement partie sinon par le développement de médicaments et remèdes. La vie en laboratoire est une pénibilité que la botaniste repousse tant bien que mal, avide d'aventure et de communion avec ce que l'île a à lui offrir.

Se sont passés plusieurs mois depuis le dernier évènement ayant bousculé son quotidien. En début d'année, une étrangère d'un âge similaire au sien fut la dernière recrue du salon des arts qu'une branche différente de sa famille détient depuis des générations. Sa tante, Tamara Dorvall dite Tammy, avait jugé bon d'accueillir cette musicienne dont l'instrument si caractéristique se prêtait à merveille à l'atmosphère lykéenne de leurs spectacles à huis-clos. Naturellement, l'instinct maternel de la jeune Dread avait aussitôt pris les devants et s'était fait un point d'honneur à guider la ressortissante réservée dans les méandres entre tradition et modernité de leur vaste culture. Port du kuraïmoiré, cérémonie du thé, de nombreuses coutumes lui avaient été montrées puis enseignées avec en figure de proue l'enthousiasme communicatif de l'autochtone qui n'hésitait pas à la traîner avec elle dans ses errances horticoles à distance des remparts citadins. Mais avant même que l'été ne brille sur les vallons verdoyants de Toryai, cette nouvelle employée avait annoncé sa démission au profit d'autres projets dont elle n'avait pas mentionné les spécificités. Et depuis, Dread n'avait pas eu l'occasion de la revoir ni même de lui adresser un courrier quel qu'il soit. Siltaar avait tout simplement disparu de sa vie du jour au lendemain.

Tout du moins, jusqu'à ce jour. L'herboriste se signe et parachève ainsi ses recueillements en se redressant, époussetant les brins d'herbe crochetés à son pantalon de toile épaisse et fait volte-face pour tomber nez à nez avec un fantôme du passé...

Re: De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 17 sept. 2024, 04:13
par Yiajmhat
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La semaine avait égrené ses jours monotones depuis le retour groupé des invités de marque de la Maison Lycaeus. Le capharnaüm des tentatives d'enlèvement, des incendies et assassinats avait passablement dérangé le sommeil déjà rarement serein du maître d'armes si bien qu'il se relevait de nouveau au beau milieu de la nuit, persuadé d'être à deux doigts d'attraper cette fichue fuyarde en robe mauve. Voûté sur lui-même sur son côté du lit conjugal, Zak'm éponge momentanément son front pourtant sec puis renvoie les mèches épaisses de son crin long jusque sa nuque contre laquelle il les plaque, prostré. À ses côtés, le souffle régulier, ensommeillé de sa compagne enveloppée dans son drap de coton attire son attention et perce tant bien que mal son apnée passagère, se calquant sur le ressac de sa respiration apaisée. Prudemment, il se tortille de côté afin de presser ses lèvres bordées d'une toison hirsute contre la peau soyeuse de son épaule puis se glisse hors de la couche, hors même de leur chambre partagée. L'aube n'a pas encore levé son rideau clair sur la ville marquise tandis que l'étranger se prépare, couvre son dos d'un vêtement ajusté qu'il noue en cache-cœur, tresse sa barbe cirée avec un soin tout particulier, ramasse sa longue crinière aile-de-corbeau et la rehausse en chignon décoiffé pour libérer son visage rapidement humecté par quelques jets d'eau claire. Quittant la salle de bains attenante à la chambre à coucher, son pas discret ralentit considérablement devant la pièce où s'était endormie sa progéniture ; un garçonnet de quatre ans, le cheveu noir de son père et l'œil bleu de sa mère, une combinaison renchérie par le teint caractéristique des vothians dont le paternel tirait une grande fierté. Zak'm n'ouvre pas le battant de porte qui opacifie son champ de vision, effleurant tout juste la poignée du panneau coulissant sans s'y attarder davantage. Bien sûr pensait-il à la frayeur de Salistra Carlyle tout autant que celle d'Orla Lycaeus, avec qui il pouvait tout du moins s'identifier sur le sujet : l'idée que son fils soit en danger des mains d'un autre réactivait spontanément le magma bouillonnant entre ses tripes et le contrariait.

Un sentiment qu'il ne rejette pas sur la porte de leur hall d'entrée lorsqu'il sort fouler les pavés du centre de Seirithan. La ville endormie était un spectacle qu'il s'attardait à observer lorsque le moment s'y prêtait, et les rares noctambules ne soutiraient pas à la capitale son charme si exotique du point de vue d'un homme ayant pratiquement toujours respiré sous les parois d'une bulle au sens littéral du terme. Son quotidien n'était pas fait d'un métier quelconque encore, ayant consacré ces trois dernières années à s'occuper de sa descendance mais aussi à apprendre tout de ce qu'il pouvait emmagasiner à propos de Lykos, sa langue et sa culture. Alors tous les deux jours, Zak'm se réunissait avec plusieurs élèves de l'Académie de Voth Prime ayant exprimé le désir de le suivre sur cette lune opposée à la leur en tout point. Hors des remparts, non loin des ouvertures béantes des voies d'accès marchandes, le groupe d'une demi-douzaine d'hommes avaient bâti une misérable arène délimitée par des pieux de bois brut et quelques vestiges de clôture que les agriculteurs voisins leur avaient légués avec circonspection. Un cercle d'une dizaine de mètres de diamètre dont ils recouvraient régulièrement le sol argileux par des seaux de sable afin s'assurer un nivelage décent pour s'y entraîner. Aucune tribune ni râtelier ne complétait cette panoplie pour le moins rudimentaire et chaque participant emportait avec lui son arme de prédilection comme leur tradition le requérait.

C'est dans cette direction que le réfugié prend soin de se diriger, convaincu que l'un de ses partenaires se présenterait lorsque l'aube levée l'alertera. Trente minutes de badinage le font échouer sur les rivages de cette triste aire de jeu passablement dissimulée par un bloc rocheux de la taille d'un véhicule blindé et un tertre bordé d'arbustes à baies, prévenant ainsi les curieux depuis la voie serpentant non loin de les épier de trop. Bien peu spirituel quant à lui, Zak'm se préoccupe plutôt de déposer ses armes de guingois contre la planche transversale d'un morceau d'enclos afin de procéder à des échauffements assouplissant sa physionomie encore ankylosée par le sommeil d'où un mauvais rêve l'a extirpé trop tôt. Les aspérités de la roche adjacente sont un excellent support sur lequel il crochète ses doigts nus de bagues mais charbonnés de tatouages insensés, et ainsi il discipline prudemment ses vertèbres puis ses épaules et fait chauffer ses quadriceps jusqu'à ce qu'une inflexion ne l'interpelle.

L'un de ses camarades de sept ans son cadet, Irfan, se joint à lui en le saluant en langue commune. Muni d'un long bâton de combat, le jeune homme le dépose contre le garde-corps et vient serrer la main de son mentor et ami avec enthousiasme. Les astres s'effacent enfin de la toile céleste lorsque les deux basanés s'échangent quelques passes désarmées, aiguisant leurs réflexes pour le restant de la matinée.

Re: De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 17 sept. 2024, 22:52
par Encres Nomades
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Siltaar s’est immobilisée à l’extrémité d’une corniche, face à la mer. Perchée sur ce bout de rocaille téméraire, elle hume avec délice les fragrances iodées exhalées par la baie de Seirithan qu’elle surplombe et dont les vagues sereines s’étirent paresseusement sous le souffle froid de la brise de ce mois de mars bien entamé. Protégée des frimas par un ample manteau noir à capuchon, ses cheveux couleur de charbon encadrant son front blanc, la jeune femme laisse ses regards vagabonder alentour ; sur la farandole hétéroclite des bateaux mouillant à quai ; sur la valse des pêcheurs qui piquettent l’horizon aqueux de leur présence mobile ; sur le ballet erratique des mouettes surveillant peut-être, là-bas, des étals de poissons fraîchement pêchés.

Suspendu à l’horizon oriental, le soleil de cette aube frileuse brille d’une lumière blafarde et la terre assoupie, glacée, tressaille à peine sous le feu misérable de ses rayons. Une mouette proteste, perchée sur la vergue alourdie de sa voile carguée d’un proche navire. Les vaguelettes clapotant contre la jetée, au tumulte rieur, et le vent froid chargé d’humidité soupirent à l’envi' des promesses d’ailleurs aux oreilles de Siltaar. L'Exilée frissonne. Son visage au teint pâle se farde, l’espace d’un fugitif instant, d’une émouvante gravité, avant de se détourner, détaché, presque dur, vers les lignes découpées de la cité de Seirithan où claque une cohorte de bannières aux couleurs du Marquisat. D’un lent pivot sur elle-même, elle embrasse les reliefs de la ville fortifiée, plantant ses prunelles d’orage sur Dúanori, le Château des Vagues, dont les tourelles crénelées et pointues griffent la toile céruléenne de ce ciel matinal.

La capitale lykéenne était devenue son refuge au terme d’un voyage qui n’avait rien de l’agrément mais fleurait la fragrance amère de la fuite. Et d’une douleur omniprésente. Ses maigres économies en poche, que le coût faramineux de cet interminable périple à travers l’espace avait avidement vampirisées, elle s’était retrouvée à mendier le gîte et le pain contre quelques notes geignardes échappées de son biwa. Jusqu’au jour où elle avait poussé la porte du salon de thé de Tamara Dorvall afin de proposer, humble et peu optimiste, ses services d’artiste musicienne. La propriétaire de ce lieu prisé l’avait ainsi accueillie, ne regrettant nullement son choix qui lui avait permis d’augmenter une clientèle attirée par la musique singulière du cordophone de bois blanc et ainsi de hausser son chiffre d’affaires.

Une autre mouette à l’œil curieux passe devant la lève-tôt – bien qu’on la devine insomniaque, souvent - rasant la crête écumeuse des vagues du bout de ses ailes. Abaissant sa capuche sur ses épaules, la jeune femme inspire une profonde goulée d’air et coiffe d’une senestre nerveuse le buisson ténébreux de ses longs cheveux à l’esquisse brouillonne. Enfin se détourne-t-elle pour reprendre sa paisible promenade le long des berges rocailleuses. Marchant ainsi entre les eaux agitées en contrebas des falaises de granite et la sombre forêt aux chuchotis mystérieux, elle réfléchit aux derniers événements : la tentative d’enlèvement de Salistra Carlyle et de sa fille aînée ; celle visant le Comte Varykino, dont la vie avait été sauvée in extrémis par le sacrifice de l’indéfectible maître d’armes Gunmar. Les funérailles, auxquelles la Dame de compagnie avait assisté, avaient été célébrées avec tous les honneurs dus au rang de ce vieux et loyal soldat.

Tous ces incidents ne cessent de solliciter abruptement son esprit et de l’entraîner dans les corridors labyrinthiques de ses souvenirs, à l’instar de ses pas sinuant sur ce sentier caillouteux. De même repense-t-elle à sa rencontre avec la Comtesse Elara Nyrion qui, aux lendemains de l’attaque larvée de l’assassin maîtrisé à temps, lui avait fait parvenir un magnifique exemplaire d’un biwa à quatre cordes, issu d’une de leurs églises. Un présent qui, certes, avait touché la fibre artiste de Siltaar, cependant qu’elle préservait une certaine retenue à l’égard de la noble et des discours sous-entendus que son époux et elle lui avaient tenus.

Et de poursuivre ces intenses élucubrations, jusqu’à ce qu’une ombre discrète ne vienne s’insinuer dans le paysage vierge que ses yeux tourmentent de leur éclat glacé. Une ombre dont la physionomie familière l’oblige à alentir la cadence dynamique de son pas avant que sa mire n’en pourlèche les contours avec une émotion palpable.

Dread-… !? prononce-t-elle, un instant incrédule, son souffle se condensant devant elle en un vaporeux nuage. Et de sourire à l’adorable spectre dont la jovialité candide, l’humeur égale et la patience toute maternelle avaient su s’affranchir des murs de son caractère solitaire.


Re: [ALENTOURS] De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 18 sept. 2024, 00:00
par Yiajmhat
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Un sursaut raidit les fines épaules de la botaniste dont le pas se fige sur la vision soudaine d'une pâle errante emmaillotée de noir. Transparente, l'arc de sourcil se formant sur ses paupières bombées et bridées dévoile sa circonspection la plus absolue. Cette fraction de seconde n'est guère plus qu'un moment de flottement avant que ses pommettes ne se rehaussent d'un sourire contagieux. Quelques pas tout juste les séparent et d'un élan enthousiaste, la jeune femme dévale la butte herbeuse depuis laquelle elle surplombait la musicienne.

Sil' ! Si je m'étais attendue à te revoir, ça n'aurait pas été ici ! s'exclame-t-elle sans l'ombre d'un sarcasme quelconque, foncièrement bienveillante et sincère. Tu as oublié nos trente-sept derniers rendez-vous pour aller battre la lande ?

Un éclat de rire communicatif déride son expression d'un large sourire jovial, ses mains délicates se crochetant à la bandoulière de sa fonte de cuir. Dread est une femme fidèle à elle-même que peu de choses parviennent à profondément toucher ; ce que l'on peut interpréter comme de la naïveté de sa part s'apparente bien plus à une vraie volonté d'optimisme qu'elle sait pouvoir être écorné parfois mais qu'elle brandit comme fer de lance de tous les combats que la vie lui oppose. La positivité de la jeune herboriste contraste durement avec la carapace glaciale que l'artiste au biwa fendille tout juste à ses côtés, sous l'action de sa chaleur solaire et de son bon vivant combinés. Assez proche de la musicienne pour vouloir lui attraper le bout des manches afin de surélever ses avant-bras sans les pincer directement, la lykéenne recule à tâtons vers la sente sinueuse quittant la capitale vers les landes afin d'entraîner sa visiteuse impromptue avec elle.

Puisque tu es là, n'espère pas te défiler. J'ai des choses à te montrer, et toi, des choses à me raconter. Commence donc : ce nouveau travail te plaît ?

Insatiable curieuse, le comportement de la dernière Morcedred approxime celui d'une amie d'enfance quand bien même elles ne se soient côtoyées qu'un petit semestre tout au plus. Son aise sociale peut braquer comme délier les langues, et elle espère secrètement décoincer sa consœur et lui arracher par la force des choses quelques informations croustillantes sur son nouveau quotidien dont elle ne sait rien. Peut-être à raison.

Re: De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 18 sept. 2024, 04:12
par Yiajmhat
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Diligemment, les deux vothians entreprennent des affrontements plus techniques maintenant que leurs souffles accordés annoncent les prémices de leurs cordiales hostilités. S'écartant tous deux de quelques pas, le plus jeune élément du binôme hisse une garde haute protégeant sa tête tandis que son adversaire fléchit à peine ses bras saucissonnés dans la toile ajustée de ses manches longues. Un signe de tête de l'un à l'autre sonne comme le coup d'envoi mutique de leurs premières passes ; Irfan s'avance et porte un crochet en direction du profil gauche de son mentor qui en pare aussitôt le choc. Zak'm tâche de vouloir contre-attaquer en enroulant sa parade autour du poing offensif mais son apprenti doté d'un bon réflexe s'en défait en ramenant à lui l'assaillant incriminé. Le trentenaire ne le laisse pas fuir si aisément et arme sa senestre pour heurter l'estomac de son adversaire. Celui-ci s'y dérobe d'un petit bond en arrière aussitôt suivi de l'attaque sournoise du père de famille balayant ses appuis ne s'étant pas encore ancrés au sol. Le jeune homme bascule en arrière, déséquilibré, mais ramasse aussitôt sa corpulence en une roulade arrière écrasant l'herbe moult fois piétinée. Bien plus agile que son homologue, il prend appui au sol et envoie un coup de pied haut afin de viser le ventre de son opposant pour le repousser et idéalement le plier en deux. Toutefois les poignets du plus puissant des deux se referment sur sa cheville et il feint un coup de genou en mesure de briser l'articulation de sa rotule en le frappant par l'intérieur. Sous sa poigne, le mollet se tend en prévision d'une douleur qui ne vient pas.

De nouveaux combats s'ensuivent, précis, fugaces, indolores. Rares sont les mots échangés car les failles de chaque posture sont réévaluées à chaque hochement approbateur et chaque nouveau coup de lancer. Ces techniques proches du Prana-Bindu par leur preste exécution ont des composantes bien à elles et forment une bulle méditative autour de l'arène esseulée qu'un troisième individu n'hésite pas à percer en se présentant aux abords de l'enclos armé d'une épée que l'on devine fabriquée dans un bois local. Celui-ci, plus massif que son comparse, semble d'un âge similaire au mentor interrompant le cycle de sessions qu'il partageait avec son élève pour le saluer convenablement. Le dernier arrivant s'inscrit à son tour dans une vingtaine de minutes d'échauffements et d'étirements afin de rejoindre la ronde des échanges de coups punitifs que les deux autres menaient encore, sans répit.

Jalebbi, Irfan. Deux contre un. Armez-vous.

Zak'm regrettait la disparition de ses aînés, condamné à ne plus autant évoluer qu'il l'avait fait ces quinze dernières années. Ainsi il se défiait par le biais de ses comparses plutôt enthousiastes de passer à une forme de combat bien plus personnalisée. Car aucun de ces trois basanés de Voth Prime ne maniait le même type d'arme ; bâton et sabre affrontaient de redoutables doubles dagues d'entraînement, elles aussi en bois poli et émoussé. La clarté grisâtre du ciel les forçait à plisser les paupières tant la saturation de l'astre d'or tentait d'en percer en vain le voile, signe que la matinée s'amorçait petit à petit et que la capitale n'allait pas tarder à vrombir de nouveau et grouiller au sein de ses remparts inexpugnables comme un terrarium de milliers de fourmis. Tous éclatés en trois angles équidistants, les guerriers s'assurent que leur voisin est prêt à en découdre et un dernier signe du doyen du trio de leur signaler de venir l'attaquer. Le maniement de leurs armes de prédilection ne les rend que plus efficaces, leur posture et leur poids équilibrés par leur pression autour de la hampe de leurs outils si bien que leur premier élan requiert beaucoup plus d'attention de la part du père de famille parant le sabre d'une dague faisant office de main-gauche tandis qu'il doit pleinement esquiver l'estoc du bo cherchant à percer son flanc.

Re: [ALENTOURS] De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 18 sept. 2024, 11:55
par Encres Nomades
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Une crispation passagère de ses lèvres à l'esquisse faussement boudeuse se veut traduire la confusion émotionnelle que le tempérament dénué de rancune de Dread lui oppose. Elle sait pourtant la jeune herboriste éloignée des trames tissées de drames dans lesquels se complaît souvent le sexe faible ; peut-être par envie, par ennui, ou par dépit. Face à la Musicienne un brin penaude, nulle protestation, nulle larme ; mais en lieu et place, l'éclat d'un sourire dans l'écrin de lèvres qui déjà jouent les bavardes. Alors un souffle de rire fissure le marbre nivéen de sa figure dont les pommettes hautes s'animent à leur tour sous la morsure incongrue d'un carmin métamorphosant le profil effilé de la froide créature.

Je n'ai pas l'intention de fuir. Mais-... ! amorce-t-elle cependant que cette comparse retrouvée l'entraîne presque d'autorité le long du sentier contournant le tertre herbeux sur lequel elle était perchée. Un coup d’œil furtif lui fait apprécier la présence de la fidèle panoplie de la botaniste dont la besace dodue bat son flanc. … Où m'emmènes-tu ainsi ? Tu as trouvé une-... Nouvelle variété de quelque plante à infuser ?

À peine a-t-elle le temps de s'émouvoir de ces retrouvailles que l'interrogatoire débute. Si elle accueille les palabres insatiables de la jeune commère avec un plaisir tout en retenue, c'est avec cette même réserve qu'elle lui brosse les premiers reliefs, certes peu détaillés, de ce qui fait désormais son quotidien.

— S'il me plaît-... ? Un terme qui semble provoquer un court-circuit sous le bombé de son front penché avant qu'elle n'ose poursuivre, après un temps de latence. … Du moins, me convient-il. Oui. Sur cette affirmation laconique s'arrête la confidence. Ses prunelles d'orage scrutent la fine silhouette à son côté, avant de s'évader de part et d'autre de la sente gravie pour en noter les nouveaux repères. … Tiens, je ne suis-... Jamais venue par ici.

Re: [ALENTOURS] De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 18 sept. 2024, 19:30
par Yiajmhat
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Le sourire naguère large et jovial s'atténue en une fine fente tout juste courbée soulignant un nez en trompette bien plus sournois qu'il n'en avait l'air jusqu'alors. Bien sûr, lorsqu'acertainée par la démarche volontaire de la Musicienne, ses doigts nus relâchent leur prise impérieuse sur les manches rudoyées de l'habit noirâtre. Ainsi, les maniques délicates et minutieuses retournent éprouver le cuir usé de la sangle scindant le buste tout juste vallonné en une section diagonale. Son pas décidé mène alors la cadence de leur promenade fortement encouragée le long de la large route pénétrant la capitale comme l'estocade d'une rapière avant de bifurquer, finalement, sur un sentier que l'herbe piétinée a parfois abandonné en se faisant arracher par mottes. Le chemin en question suit le léger dénivelé contournant Seirithan en direction du large.

Une nouvelle plante oui, disons ça ! rétorque-t-elle, faussement énigmatique et ponctuant sa réponse d'un rire sonore et coquin.

Les questions de la jeune botaniste ont toujours été cultivées avec prudence par l'Artiste peu expansive. L'afflux incessant de ces vagues interrogatrices venaient systématiquement briser leurs lames scélérates sur les écueils de sa réserve notoire que Dread se faisait un malin plaisir à titiller, sans malice malveillante. Et les mois d'absence, de distance l'une de l'autre, n'ont pas un instant encouragé la jeune femme à freiner le débit de sa curiosité maladive. Lui "convient"-il, répondait l'interprète aux doigts d'or opposant à l'enthousiasme solaire de l'asiatique une réponse sans le moindre croustillant, étouffant l'incendiaire de ce rayonnement pourtant ininterrompu. Le chignon peu méthodique guidait l'étrangère par delà de petits monticules terreux et lui opposait ses mèches indisciplinées afin de dissimuler le rictus rieur de sa propriétaire. Elle n'avait pas changé d'un iota.

Tu sais, si tu es si malheureuse là-bas — où que ce soit, ma tante t'accueillera encore à bras ouverts, souffle-t-elle sur une inflexion plaisantine. Je te rassure, je ne vais jamais par ici, le terrain autour des remparts n'a rien de spécialement intéressant pour moi non plus, les bons spécimens sont plus loin du large. Mais ceux que j'espère te montrer sont dans le coin, je suis tombée dessus totalement par hasard !

Le trajet ne dura pas plus de dix minutes avant que de hautes roches disséminées sur une plaine verdoyante ne fassent ralentir leur pas emporté par la pente délicate du sentier. Portant un index tendu à sa bouche en cœur en se retournant, Dread invite sa consœur au calme et au silence — comme s'il lui était habituel d'être bruyante et/ou loquace — comme une enfant manque de surprendre ses parents en pleine discussion qui ne la concerne pas. Faisant un peu de place près du renflement de cette paroi de craie blanche, la sérénité soudaine porte le son irrégulier de heurts et de froissements aux oreilles de la chipie puis de sa compagnonne de voyage. Mutique, elle mime du bout des lèvres un chuchotement à peine audible pour intimer à la Musicienne qu'il est temps qu'elle Regarde... ! ce qui se trouve derrière ce haut menhir.

Ces plantes-là sont vraiment particulières... susurre-t-elle en plaquant aussitôt sa paume contre ses lèvres, ravalant un éclat de rire.

Re: De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 18 sept. 2024, 21:14
par Yiajmhat
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Derrière ce monticule blanchâtre, l'échange de coups s'intensifie à mesure que les réflexes des trois combattants s'aiguisent et le concerto de percussions calque son rythme sur l'entrechoc des armes de bois. Les assauts individuels que les adversaires du même camp fomentent à l'encontre de leur ennemi du jour s'entrelacent petit à petit et font éclore des stratégies combinées dont la coordination est autrement plus redoutable. Courte, longue ou moyenne portée, les différentes stratégies adoptées se contrent et se renvoient la balle avec ferveur. Toutefois une petite erreur de placement du manieur de bâton ouvre une faille à la lame émoussée d'une dague courant contre son artère fémorale, fatale. Pas le temps de tergiverser toutefois, car le bretteur se fait un principe de venger son camarade tombé se traînant discrètement hors de l'arène ; le sabre racle contre la main-gauche en parade et supporte le poids de son propriétaire contre la garde d'un kukri à la courbure moins traditionnelle qu'elle ne le devrait.

La pression se fait puissante et l'ambidextre doit soutenir l'assaut de ses deux armes placées en croix sous la rectitude du sabre adverse. Le genou à terre, en posture désavantagée, Zak'm s'assure que toute la force du jeune homme pèse sur son attaque et se laisse aller en arrière pour enjoindre l'épée à se planter d'elle-même dans le manteau aréneux couvrant une terre meuble. Le dos rond, il porte ses bottes aux hanches larges de son adversaire et d'une poussée pleine d'inertie, l'homme le plus trapu vole par dessus lui et s'écrase contre un piquet tristement esseulé marquant la frontière de leur cercle de combat clandestin. La planche cède dans un éclatement d'échardes s'envolant à leur tour et ne demeure ensuite que les souffles conjoints des trois athlètes marquant la fin de leur affrontement.

Le spectateur toutefois ne semblait plus trop se préoccuper des échanges martiaux mais plutôt du chignon qu'il aperçoit remuer derrière la mousse verdâtre couvrant un menhir de sa toison humide, un rictus amusé détendant ses traits juvéniles. Car l'espionne n'en était pas à son premier coup d'essai...

Re: [ALENTOURS] De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 18 sept. 2024, 22:46
par Encres Nomades
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L'élusif des palabres de sa comparse se fait d'autant plus suspicieux qu'il se veut escorté d'un éclat de rire dont la mélodie malicieuse n'échappe guère à l'ouïe de la Musicienne. L'auvent de ses paupières s'abaisse sur ses prunelles rivetées au faciès de la chipie, lui conférant un air méfiant. Et le coup de menton qu'elle lui lègue comme pour la défier d'avouer le malicieux de ses intentions se voit vite relégué aux oubliettes, cependant que Dread poursuit son babillage.

Je ne suis pas malheureuse. Du tout. enchaîne-t-elle dans le sillage de la jeune herboriste, tout en appréhendant les reliefs de ce paysage qui lui est inédit, son regard échelant les énormes crocs de pierre granitique crevant la plaine. Je suis traitée avec beaucoup d'égards. Et de bienveillance. Je ne-... Enfin-... ! je n'ai pas encore eu-... Une grimace contrariée froisse l'arc prononcé de sa lèvre supérieure. … L'occasion de créer de liens, comme avec toi. Au moins ai-je toujours l'opportunité de jouer, de dessiner. Je-... Je n'ai pas à me plaindre.

Rejeton d'une pensée maussade, une ombre fugitive gouache de sa nuée parasite l'éclat lactescent de ses iris braqués sur le chemin. Un froncement de sourcils irrite sa glabelle de laides ridules jusqu'à ce que l'Exilée note l'insolite métamorphose de la botaniste qui se plaît soudain à jouer de discrétion. Battant des cils, Siltaar accuse l'impérieux de cet index délicat sur la bouche rieuse de Dread, cette dernière l'attirant d'un geste d'invite au plus près d'un des deux cromlechs qui, à l'instar de vieux gardiens taciturnes au chef coiffé de lichens, semblent veiller sur quelque chose que l'Artiste ne voit pas encore... Mais qu'elle perçoit nettement, à présent que ces inhabituelles simagrées ont éveillé sa curiosité. Des ahans d'efforts physiques se mêlent au ballet désaccordé de vives estocades. Des piétinements, un corps qui chute, un craquement distinct, comme des lattes éclatées ; agressent son ouïe concentrée. Le pas circonspect, le dos voûté, franchit-elle la courte distance qui la sépare de l'adorable peste et, sur un soupir contraint, se surprend-elle à piétiner la trajectoire de ses prunelles céruléennes, scintillantes d'un intérêt audacieux. Là, sur une scène au damier aréneux cerclé d'une clôture de fortune, à quelques mètres de leur position, elle avise la présence de trois individus au derme basané, essoufflés par l'échange martial dont la conclusion vient sans doute d'être jouée. Ses lèvres s'entrouvrent sur une note muette alors que ses prunelles martyrisent de leurs javelots d'argent les physionomies d'athlètes rompus de ces trois énergumènes. Et son regard de s'écarquiller en réalisant que le poste d'observation que s'est choisi l'herboriste se voit compromis par l'éclosion impromptue de son chignon au cœur des buissons censés la protéger de ses œillades indiscrètes.

Dreaaad ! Recuuule-... !!! lui intime Siltaar dans un chuchotis nerveux tandis qu'elle lui agrippe le coude pour l'entraîner loin de ce voyeurisme délictueux.

Re: [ALENTOURS] De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 18 sept. 2024, 23:15
par Yiajmhat
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La disparition chahutée du chignon par dessus la crête mousseuse des menhirs s'accompagne du couinement soudain de la botaniste pouffant ouvertement de rire. Irfan, appuyé contre le rempart bancal d'un morceau de clôture, arque le sourcil et se redresse d'un bond afin de ne pas perdre de vue ce requin dont l'aileron s'agite à l'horizon. Jelabbi ronchonne toujours à l'encontre de son adversaire l'ayant envoyé sans prévenir dans les roses, ou du moins dans les échardes d'une misérable planche, et se relève à son tour en se massant le dos.

Eh. On a de la compagnie, signale le plus jeune du trio en levant un menton incriminant en direction de l'espionne de pacotille. Dread ! Pas besoin de te cacher ! l'invective-t-il sans attendre, preuve qu'elle n'en était pas à sa première filature ratée à tel point qu'ils en connaissaient déjà le nom.

Les deux basanés s'interrogent d'un regard curieux puis lorgnent l'endroit que pointe Irfan, placés de façon à ne pas y voir grand chose et demeurant dans l'expectative d'une belle prise de sa part. Cependant derrière ce rempart d'albâtre, le duo féminin ne semble pas se presser pour se présenter. Attirée en arrière par la prise au coude de la Musicienne, l'herboriste lui coule un regard hilare et va jusqu'à rentrer la tête dans ses épaules menues lorsqu'elle se fait interpeler sans équivoque.

... Oups ? chuchote-t-elle d'un minois bien moins innocent démontrant toute l'étendue de son plan machiavélique : celui de pousser sa comparse à affronter le trio de réfugiés. Ça va, ça va, je me rends ! J'espère que vous avez de la place pour deux prisonnières !

Le ton rehaussé d'une inflexion espiègle s'inscrit dans une démarche de reddition dans laquelle la jeunette lève les mains en l'air et pointe le nez au-dessus de sa cachette attaquée par l'humidité bourgeonnante du littoral. Tandis que sa frêle silhouette sinue entre les géants rocheux, elle invite sa partenaire de crime à lui coller au train afin de la trahir un peu plus auprès des trois hommes figés dans leur piteux cercle. Si Zak'm reconnaît aisément leur premier visiteur à qui il adresse un sourire aimable et lui présente finalement son dos en allant rassembler les armes éparpillées au sol, Jelabbi lève une patte en guise de salutation goguenarde et brute. Irfan, pendant masculin de l'énergie vampirisante de l'asiatique, s'approche finalement d'elle et contourne l'un des morceaux de garde-corps encore en état.

Jelabbi s'apprêtait justement à partir, ça fera deux places de libre, lance-t-il comme une pique sournoise à l'attention de son camarade plus gargantuesque que lui qui n'hésite pas à le fusiller du regard, pas plus prêt à quitter les lieux qu'il ne l'était quelques secondes auparavant. Tu nous la présentes ?

Et le nez du jeune homme de s'aventurer par delà l'épaule de Dread, curieux de connaître celle de ses amies capable de la suivre dans ses ridicules péripéties.