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La nuit est profondément calme lorsqu’un messager de la Maison Lycaeus frappe discrètement à la porte des appartements de chacun des personnages, portant la convocation nocturne. Le message est sobre mais insistant : la Marquise souhaite les voir immédiatement, dans le plus grand secret, au petit salon. Les couloirs de la résidence sont déserts, l’obscurité enveloppant les parois finement ornées de tentures et de décorations symboliques. La lumière des lanternes, tamisée et oscillante, ne suffit qu’à peine à briser l’obscurité, créant une atmosphère de mystère teintée d’urgence.

En entrant dans le petit salon, ils découvrent la Marquise, seule, drapée dans un châle sombre. Elle semble concentrée, l’air grave, mais laisse entrevoir une lueur de détermination. Après quelques mots de bienvenue, elle leur annonce que le Comte Varykino va bientôt les rejoindre. Un bref silence tombe tandis qu’ils attendent, et l'atmosphère est tendue jusqu'à l’arrivée du Comte lui-même, vêtu d'une tenue sobre mais élégante. Sa démarche est prudente, les mouvements un peu plus lents, témoignant des blessures dont il est encore en convalescence. Malgré sa condition, il garde un regard acéré et une expression de gravité marquée.

Le Comte se tient debout devant eux, le dos droit, et prend la parole d'une voix mesurée :

"Mesdames, Messieurs… Si j’ai souhaité cette entrevue nocturne, c'est pour partager avec vous ce que l’enquête a révélé jusqu'ici. Ce que nous avons appris des attentats récents… et ce qui pourrait suivre. Vous le savez, les attaques n’ont pas seulement visé nos alliés, mais, par extension, toutes les Maisons du système, y compris la Maison Lycaeus."

Il marque une pause, laissant ces mots résonner dans l'air avant de reprendre, le regard plus intense :

"Les deux aggresseurs du diplomate majeur de la Maison Almera et de la conseillère principale de la Maison D'Auria ont admis avoir le même commanditaire. Nous avons pu remonter jusqu'à Valoria et à une certaine diplomate du nom de Nassana DeLisle. D’après nos informations, elle a fait une ascension sociale spectaculaire ces dernières années, n’hésitant pas à éliminer toute personne susceptible de ternir sa réputation. Pourtant, il est difficile de croire qu’elle ait osé frapper aussi ouvertement... surtout la Maison Varykino."

La Marquise hoche lentement la tête, partageant son regard sévère avec l'assemblée :

"Nous avons une opportunité d'en savoir davantage. DeLisle inaugure un centre d'affaires sur Valoria, dans un cadre luxueux, un lieu conçu pour impressionner autant que pour surveiller. Nous avons donc pensé que c’était l’occasion de sonder plus en profondeur. Vous serez nos émissaires, non seulement pour enquêter, mais pour comprendre où se situe vraiment cette menace. Vous serez scindés en deux groupes, un civil et un armé. Nassana DeLisle organise un gala grandiose pour inaugurer son nouveau centre d'affaires. L’événement réunit les plus hautes sphères de Valoria et d'ailleurs, incluant des éminences diplomatiques, des industriels et des scientifiques d’influence. Les membres du groupe civil se fonderont dans cette foule pour infiltrer le bâtiment en toute discrétion, le but étant de localiser et d'accéder aux informations stratégiques de la diplomate, contenu dans un coffre fort au sous-sol. Pour le groupe armé, il va falloir aller chercher directement Nassana. La vraie Nassana. Elle laissera un sosie à sa soirée, mais, paranoïaque depuis son ascension fulgurante, elle va se terrer au sommet de sa tour. Chaque étage est conçu pour offrir une sécurité maximale et des défis uniques, une véritable forteresse verticale. Elle s'attendra à une attaque, mais pour rien au monde, ne risquera de compromettre sa couverture. Vous allez devoir vous débrouiller avec ses hommes. "

Le Comte, qui a observé le visage de chacun, conclut d’une voix posée, mais empreinte de gravité :

"Chacun d'entre vous sait combien le succès de cette mission est essentiel. Nous ne pouvons tolérer une telle impunité..."

Un silence se fait dans la pièce, laissant à chacun le temps de saisir la portée de cette mission.

"Des questions ? "

Soren est allongé sur son lit, lisant avec attention et concentration un petit ouvrage sur l'histoire de l'Imperium, prenant de temps en temps des notes ou vérifiant des éléments dans d'autres ouvrages posés sur sa table de chevet. Devant le meuble en question, un chiot se remet de la balade d'après diner en somnolant benoîtement, un second livrant une guerre sans merci à une vieille épaulière de cuir qu'il tente d'éventrer avec une constance et un sérieux dignes de louanges.

Une fois que le messager a rempli son office, il place les deux tueurs sanguinaires en devenir dans leur cage et s'équipe légèrement pour perdre le minimum de temps : son ceinturon qui porte quelques armes blanches et autres ustensiles professionnels, une lampe et une veste légère. Il ferme son logement avec soin et emboîte le pas du messager pour rejoindre le petit salon.

Arrivé sur place, il salue avec rigueur la dirigeante de la maison Lycaeus avec un garde à vous solennel.

-" Lieutenant Gunnar, de la sécurité intérieure, à vos ordres, Marquise ".

Il se place ensuite dans un coin, les mains passées dans son dos, attendant la suite, l'air impassible. Lorsque le comte se présente et commence sa présentation, il sort son éternel carnet et prend des notes en écoutant avec soin les différents éléments donnés.

"Des questions ?"

-" Oui, monsieur le comte. Lieutenant Gunnar, de la sécurité intérieure. J'en ai quelques unes, si je peux me permettre. Concernant cette Nassana DeLisle, tout d'abord. Avons-nous plus de détails ? Car elle a gravi les marches quatre à quatre, c'est un fait. Mais si c'est uniquement par des jeux d'influence ou des coucheries, c'est une chose. Si elle a elle-même mis les mains dans le cambouis et que c'est une vraie tueuse professionnelle, que ce soit avec des pouvoirs de soeur, du poison ou une vraie science des lames ou des armes à feu, le tâche du groupe armé ne va pas être la même du tout. Il serait utile de savoir quoi anticiper en matière de compétences personnelles, d'équipement, de protections diverses comme des gardes, des pièges, des alarmes ... De même, quels alliés lui connaissons-nous ? Y-a-t il des chances qu'il y ait des renforts en troupes, en spécialistes ou en matériel conséquents ?

Sur le plan général, quelles sont les limites de la mission : si on ne peut la capturer, doit-on la tuer ou la laisser partir ? Idem pour le coffre, si on ne peut le prendre, lui ou son contenu : abandon ou destruction ? Même chose pour les gardes et les locaux : quel degré de destruction est accepté ?

Et pour finir, quelques points techniques :

Avons nous des plans des lieux et des alentours ? Quel mode d'accès est prévu pour le groupe armé ? Quel mode d'exfiltration est prévu ? Et entre les deux, quel minutage est prévu pour l'opération ? Et enfin de combien de temps disposons nous pour la préparer ?

Je vous remercie de votre attention ".

Keith Carlyle ne trouve pas le sommeil ce soir... Ni celui-ci, ni les autres d'ailleurs. Beaucoup de récents événements l'ont profondément perturbés et ses recherches en pâtissent. Il se sert de la couverture obscure de la nuit pour tenter de faire refleurir son intellect mais ça lui est très difficile. Ses travaux n'avancent guère, sa famille est... Il ne sait même pas où en est sa situation familiale, mais sûrement plus proche de l'anéantissement que de la prospérité. Son manoir et son laboratoire sont constamment surveillés. Ses enfants et son épouse pris en otage, lui infecté par une substance psychoactive. C'est simple : le docteur Carlyle est au bord de l'implosion.

Alors qu'il se masse l'arête du nez, le messager de la Maison Lycaeus frappe délicatement à la porte.

« Quoi encore ?! » Fustige-t-il avant d'ouvrir la porte le regard noir. Ses yeux se posent sur la convocation émise par la Marquise Kaeda et il la prend en main pour en lire le contenu.

Keith prend alors la route du petit salon, parcourant les couloirs d'un pas feutré, l'esprit aussi obscurci que les coursives à peine éclairées de la résidence. En pénétrant enfin dans la pièce où se tient la Marquise Kaeda, enveloppée d'une étoffe, il lui offre une révérence noble et distinguée, sans un bruit. Vient le Comte Dorian et le scientifique ne peut s'empêcher que cela n'annonce rien de bon. Il écoute attentivement les dires des deux personnes de haut rang présentes devant lui. Il croise les bras et déjà anxieux à l'idée de devoir accomplir une nouvelle mission, son visage se crispe tandis qu'une violente migraine l'assaille. Il s'abstient de toute question.

L'uniforme militaire de service voulait que la démarche si particulière d'Hugo laissa place au pas standard, déterminé, de rigueur dans les corps d'armée. Pas de déambulation civile, par conséquent pas de ritournelle numérale, mais dans la tête tournait pourtant une question cherchant à trouver l'issue dans le logigramme atypique du jeune homme. Quel intérêt pouvait lui porter la souveraine Lykos pour qu'il fut convoqué nommément ?
- Ah...
Dans le salon plusieurs autres personnalités étaient déjà présentes. De celles qu'il avait côtoyées plus fréquemment ces derniers temps. Son écosystème semblait muter. Sa nuque se raidit, ses yeux s’écarquillèrent. Il en fut perturbé. Il alla alors se réfugier dernière tout le monde. Adoptant néanmoins la posture, encore bien rigide, du repos militaire.

Rares sont les nuits où Siltaar ose avoir la prétention de se perdre dans le cotonneux d'un sommeil profond et réparateur. Ainsi le messager la trouve-t-il, éveillée et vêtue du sobre ténébreux d'un long vêtement de nuit, avant de lui communiquer la raison de son irruption nocturne. Si la convocation tardive de la Marquise s'avère en tous points sibylline, son urgence sous-entendue ne souffre d'aucune interprétation possible. Le coursier fin échappé, elle s'apprête d'une tenue plus appropriée à ce type de réunion qu'elle juge sans doute empreinte d'un certain protocole et endosse le charbonneux d'un kuraïmoiré, d'un pantalon aux jambes bouffantes. Une paire de cothurnes de cuir brun complète sa mise. Un coup de brosse discipline grossièrement son crin avant qu'elle ne s'estime prête à entendre la bonne parole de la noble dirigeante.

Ses appartements situés à-même le Château des Vagues, non loin de ceux de l'Héritière qu'elle sert en qualité de dame de compagnie, il ne lui faut que quelques minutes pour gagner le corridor menant au petit salon. La vision de Kaeda lui fait courber passablement l'échine en une gracieuse révérence tandis qu'elle apprécie ensuite, d'un rapide tour d'horizon, l'identité des personnes convoquées à qui elle adresse un dodelinement courtois du chef avant de se poster auprès du docteur Carlyle. Empruntant une posture d'humble attente, sa senestre couve sa jumelle encore bandée de sa récente exaction envers le défunt biwa.

L'entrée du Comte Varykino, encore convalescent, donne immédiatement le la à la situation critique qu'il brosse à l'attention de la modeste assemblée réunie. Son compte-rendu d'enquête ainsi délivré, la Marquise renchérit sur un autre tableau, les coups de pinceau qu'elle inflige au fur et à mesure de ses palabres rendant le tout peu optimiste. Les requêtes qu'impose cette mission à haut risque potentiel ont l'heur' de froisser ses lèvres d'une esquisse incrédule cependant qu'elle coule une œillade interrogative vers son proche voisin avant de faire un lent tour d'horizon comme pour en observer les réactions.

Keith remarque l'arrivée de l'artiste envoûteuse à son côté. Lorsque le regard furtif de Siltaar se porte sur lui, leurs yeux se croisent et il hoche respectueusement le chef à son égard. En ce bref échange, le docteur Carlyle tente de camoufler la douleur muette et invisible qui le transperce, de celles avec lesquelles on apprend à vivre. Son visage marqué par l'âge et l'expérience est d'autant plus crispé et ses paupières sont marquées par la fatigue. Pourtant il se tient là, le port altier, fidèle à son seigneur, prêt à affronter le prochain fracas en évitant de se briser en un milliers de morceaux.

La Marquise s’avance, posant son regard assuré sur le lieutenant Gunnar avant de répondre avec un calme calculé.

-"Sachez d’abord que cette Nassana DeLisle, en elle-même, n'est pas une véritable menace physique. Elle incarne le parfait exemple de la paranoïaque ambitieuse : sans sa position et son argent, elle n’aurait aucun pouvoir particulier. Sa montée rapide s’explique par l’influence et des ressources conséquentes, mais cela ne signifie pas qu’elle ait un quelconque talent dans les domaines que vous mentionnez. Elle ne possède ni compétences martiales, ni don particulier pour le poison ou le combat ; ce sont ses moyens financiers et sa capacité à susciter une loyauté intéressée qui lui ont permis de gravir les échelons."

Elle marque une pause, son ton s’affermissant tandis qu'elle se penche légèrement pour ajouter :

-"Paranoïa oblige, elle a d’ailleurs peu d’alliés véritables. C’est peut-être son unique avantage pour nous. En revanche, sa garde personnelle, bien que motivée par l’argent, est composée d’hommes fidèles tant que le prix est correct. La tour dans laquelle elle réside, assez récente pour notre chance, est bien gardée mais non imprenable, et nous avons pu obtenir des plans complets de la structure. Quant aux renforts extérieurs, rassurez-vous : elle n’a pas de soutiens militaires ni de troupes supplémentaires prêtes à intervenir."

En croisant les mains, elle poursuit avec gravité :

-"Nous voulons DeLisle vivante, pour pouvoir l’interroger. À moins, bien sûr, que vous trouviez d'autres preuves indiscutables qui expliquent son implication et ses motifs dans cette affaire, dans quel cas, elle pourrait être neutralisée sans regret. Le coffre doit rester intact : il contient des données sensibles, et rien de son contenu ne doit être perdu. Concernant le reste de la structure, sachez qu’elle est sacrifiable si nécessaire. Nous avons une autre équipe prête à couvrir cette éventualité, au cas où."

Un léger sourire aux lèvres, elle finit :

-"Votre accès et votre exfiltration seront orchestrés par cette même équipe, en parallèle de la soirée officielle, qui sera l’objectif principal de notre équipe civile. Quant au minutage, la durée de l'événement lui-même sera votre limite : si la soirée venait à traîner, ce sera signe pour l’équipe civile de redoubler de manœuvres pour en allonger la durée. Enfin, vous disposez d’une semaine pour préparer cette mission. Que votre équipe se tienne prête."

Elle fait un signe de tête, signifiant que son exposé est terminé et se prépare à écouter les prochaines questions ou remarques.

Elle fait un signe de tête, signifiant que son exposé est terminé et se prépare à écouter les prochaines questions ou remarques.

Soren s'incline respectueusement devant la marquise, avec une rigueur toute militaire.

-" Merci, madame la Marquise. Dès les chefs de groupe nommés et les équipes constituées, nous nous mettrons à l'oeuvre ".