[RP FERME] De l'art de faire bonne chère | Clôturé

[Yiajmhat]

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Les modestes quartiers de Tamara Dorvall, connue sous le nom de Sweet Tammy par sa clientèle, coiffaient son établissement raffiné : Bláthanna Tae. Ce salon de thé traditionnel avait été l'écrin des talents de la Musicienne aux doigts d'or et lui avait offert une scène intimiste afin d'exercer pleinement sa créativité, ainsi que la possibilité de se loger dans l'appartement de service situé encore au-dessus. Dread, nièce de Tammy, était rentrée penaude de sa pitoyable matinée qu'elle n'a pu passer à battre la lande mais plutôt les dalles carrelées d'un cabinet médical pour la foulure qu'elle causa à l'un de ses camarades vothians. Dépitée par cette erreur qui lui valut des remontrances du maître d'Irfan mais qui plus est de régler la note de cette consultation catastrophée, la botaniste était finalement rentrée bredouille et avait proposé ses services à sa tante qui se fit un plaisir de la noyer sous une longue liste de préparations odorifères.

Travailler la flore en tout genre était une passion dont elle ne se privait pas la pratique, qu'il s'agisse de concocter des infusions digestives, calmantes ou simplement goûteuses à la distillation d'essences autrement plus délicates et dangereuses au sein du laboratoire paternel. La journée de la jeune femme s'axe dès lors en trois chapitres. Celui durant lequel, acculée dans l'arrière-boutique du salon, elle fut sollicitée à renfler l'estomac de petits sachets de toile blanche à répartir en commandes à distribuer à la clientèle. Celui qui la mène au devant du comptoir afin de répondre aux exigences des habitués et leurs lubies ou curieux aux pas tâtonnants. Et celui enfin qui la pousse à faire quelques emplettes au marché local dans le but de préparer un festin pour le soir venu. Car elle n'avait certainement pas oublié la promesse de son amie au teint morbide de lui rendre visite et de partager un dîner avec elle, ça non.

Plusieurs heures seront consacrées à pétrir une pâte fraîche dont la chair blanchâtre se destine à être travaillée en petits beignets fripés fourrés aux légumes et au riz. Crevettes grises, haricots plats, pousses de soja et autres choux endémiques se joignent en un ragoût parfumé d'herbes personnellement récoltées ! Une fierté qu'elle ne manquera assurément pas de répéter au cours de leur repas dès que l'occasion s'y prêtera. L'oreille tendue à toute estocade de phalanges contre leur porte ou à l'annonce de leur système d'alarme qu'un individu approche, Dread sautille presque d'un mets à l'autre, enthousiaste à l'idée de faire souffler un ouragan d'interrogations brûlantes à la face de son invitée.

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À l'issue de ce crochet par les appartements du couple Conradh, l'épilogue de cet acte intimiste a laissé Siltaar dans une sorte de lugubre rêve éveillé. Tout éclat curieux de ses prunelles vivaces a été soufflé par le rude de ces retrouvailles avec un passé qu'elle tente d'inhumer, en vain. Sous son crâne appesanti par l'assaut d'un kaléidoscope infernal de souvenirs désordonnés, les engrenages de son cerveau s'ébranlent et toupillent sans relâche. Ce mal cramponné aux racines de sa psyché, elle est consciente que son seul mantra et ses exercices de respiration ne suffiront pas à l'exorciser de ces dysfonctionnements émotionnels et qu'elle devra, à court terme, passer la porte du service médical afin de trouver une solution palliative à son stress et ses insomnies.

Le bourdon d'un des temples dédié aux Esprits de la nature carillonnent dix heures de son ton de basse lorsque la Dame de compagnie et musicienne affectée au service d'Orla Lycaeus, Héritière du Marquisat éponyme, franchit les portes de Dúanori. Échevelée, des ombres violacées cernant ses paupières, la jeune femme se fustige intérieurement, car elle se sait peu présentable et, de surcroît, en retard pour la leçon de musique qu'elle dispense, deux fois par semaine, aux enfants des époux Carlyle ainsi qu'au jeune Caelum. Quelques tic-tac supplémentaires, au stressant redondant, lui permettent de traverser, d'un pas urgent, une enfilade interminable de pièces et de corridors avant d'enfin accéder à la Salle de musique. Les portes en bois précieux enfin franchie, elle se confond en excuses auprès d'une nourrice chargée de veiller au bon déroulement de la séance. Une précaution pour laquelle l'Artiste n'a émis aucune récrimination, comprenant la sagesse de la démarche et saisissant que son statut d'exilée puisse susciter une posture sinon méfiante, du moins réservée.

Le reste de la journée se déroule sous des auspices plus terre à terre et consiste à accompagner Orla au travers ses déplacements et à assister à la visite de pairs de la noblesse lykéenne venus confier leurs doléances. Enfin sonne l'heure de se préparer pour renouer avec le volubile insatiable et l'humeur joyeuse de la nièce de Tamara Dorvall. Quoi qu'elle appréhende, à un certain degré, l'impatience avec laquelle la jeune botaniste est susceptible de la recevoir, après avoir sans doute listé toute la journée le contenu de l'interrogatoire dont elle ne se priverait pas de la charger. Sans le moindre scrupule, d'ailleurs. Le cheveu récalcitrant grossièrement tressé en une natte unique et informe battant sa nuque, vêtue sous son manteau à capuche d'un kuraïmoiré tout en dégradés nuageux de gris battant les cuisses d'un fuseau noir bouffant, ses fidèles cothurnes au pied, ainsi se présente l'Artiste aux abords du Bláthanna Tae. Contournant l'établissement public pour se porter vers les degrés extérieurs permettant d'accéder au périmètre privé de la propriétaire des lieux, c'est au terme d'une volée de marches rapidement avalée que le heurt de ses phalanges s'en vient agresser sobrement la porte d'entrée.

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— J'arriiive !

Ni une ni deux, la jeune femme vêtue d'un cache-cœur doublement dissimulé par un tablier au motif floral se précipite à la poignée de la porte d'entrée à en croire le concert de percussions que ses sandales claquent au sol. Le battant s'ouvre sur un courant d'air soudain tant l'énergie déployée est extrême, et un large sourire de faire son apparition derrière la tranche du vantail lorsque les nattes de la botaniste pendent à mesure qu'elle ne se penche de côté.

— Bienvenue chez madame Dorvall ! annonce solennellement la portière qui, sur une inflexion rieuse, fomente une large révérence parfaitement surjouée.

Le fumet du repas embaume jusqu'au hall d'entrée qui se charge de fragrance de laurier-sauce, de thym et de coriandre. Et une autre paire de pas de résonner sur le carreau lorsqu'au coin d'une paroi, la crinière cuivrée aux boucles serrées de Tamara se fait savoir. La jeune femme d'une petite trentaine d'années avait tout l'air de la colocataire de la jeune Dread et n'en partageait pas les traits asiatiques. Au contraire, mouchetée de tâches de rousseur, le teint rosâtre et l'œil couleur tilleul ne reflètent en rien les gènes que les deux femmes partagent pourtant sans le moindre doute sur leur affiliation. Engoncée dans un long kuraïmoiré blanc aux rabats pêche pressant ses jambes fuselées l'une contre l'autre, elle s'incline poliment à l'égard de leur visiteur, égale à elle-même.

— Siltaar, quel plaisir de te revoir. J'espère que tu as très faim, Keverghin va nous farcir comme des courges, soumet-elle comme un faux reproche en coulant une œillade sur sa nièce, railleuse.

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L'apparition théâtrale de l'herboriste provoque l'éclosion d'un fin sourire sur les lèvres de l'Artiste qui, en retour, lui cède la courtoise inclinaison de son buste. Pénétrant le logis, elle retrouve avec une pointe de tendre nostalgie la familiarité de gestes autrefois routiniers en ôtant son manteau pour le suspendre à la patère de bois patiné jouxtant la porte d'entrée. Ce faisant, elle pivote en direction de la propriétaire des lieux, la flamboyante Tamara Dorvall, et la salue de ses mains jointes en oraison contre sa poitrine.

— Tamara, le plaisir est partagé. répond-elle en s'approchant de la trentenaire, cependant que ladite Keverghin, alias Dread, referme le battant sur son sillage discret. Oh. Vous savez que je fais-... Toujours honneur aux expériences culinaires de votre nièce, quand bien même-... Cela ne m'inspire guère. poursuit-elle, en croisant ses fines digitales sur son ventre, un brin pince-sans-rire.

Ce qui est vrai. Car la pâle créature a la réputation d'avoir un appétit d'ogre. Et parmi la ribambelle de fruits et de légumes rares auxquels elle n'a jamais goûté s'ajoutent la banane et cette petite poire d'hiver à la robe couleur de bronze, endémique de l'île de Toryai, que les autochtones baptisent Piorra Hosui.

— Comment vous portez-vous, Tamara ? s'enquiert Siltaar en l'observant, ses prunelles rondes, chamarrées d'argent, la considérant avec cette gravité que la tenancière du Bláthanna Tae lui connait.

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— Hé ! rouspète la botaniste fronçant les sourcils d'un air faussement vexé se trahissant par une fossette à sa joue.

Les mains flanquées sur ses hanches dans une posture boudeuse, Dread toise l'une et l'autre pour leur faire comprendre le poids de son imminente vengeance. Mais le frémissement sonore de l'eau dégoulinant la casserole pour rissoler sur la plaque de cuisson la fait sursauter et se précipiter sans autre forme de procès au sauvetage de ses ravioli. Tamara prend alors le relais en ouvrant délicatement un bras pour inciter leur visiteur à avancer à la table de bar séparant leur cuisine ouverte d'un salon plus modeste en taille mais bien plus chargé en bibelots que celui qu'elle foulait ce matin-même. Sensiblement moins exubérante que sa nièce, Tammy se targue d'un souffle rieur délicat tandis que l'inflexion de sa voix est aussi doucereuse que musicale.

— Installe-toi donc. Je ne vais pas trop mal sinon, la fréquentation du salon est un peu à la baisse en ce moment alors nous attendons les prochaines fêtes avec impatience, explique-t-elle tout en grimpant à son tour sur l'un des hauts tabourets bordant le plan de cuisine. Et toi alors ? Dread m'a dit que ton nouveau travail te convenait bien ?
— Et même un nouvel 'ami' ! de renchérir la chipie insistant lourdement sur le terme employé non sans jeter un œil espiègle par dessus son épaule.

Le plat désormais maîtrisé, les assiettes creuses s'enchaînent et leur ventre arrondi d'une louche de jus de cuisson reçoit un large beignet farci, à la pâte épaisse et caoutchouteuse. Tamara quant à elle s'affaire à servir une salade de chou et d'algues au sésame dans de petits bols en céramique peints à la main qu'elle dispose devant chaque convive.

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La Musicienne se laisse entraîner jusqu'au large îlot surmonté de son pupitre de bois et formant l'orée du salon. À l'invite de son aînée au crin de carotte, elle prend place sur le haut siège qu'elle lui désigne tout en guettant du coin de l’œil l'affairement du chef cuisinier improvisé. Escorté d'une première attaque de la chipie, à laquelle Siltaar ne réagit que par une moue pincée de contrariété, la mention faite à ses nouvelles attributions l'oblige à considérer longuement son interlocutrice avant d'oser proférer sa réponse.

— … À ce sujet, je tiens à vous présenter mes excuses. Entre la visite de la chambellan Salierin, puis ma démission, je n'ai pas-... Vraiment eu le temps de venir vous visiter. Ses yeux dansent entre les deux physionomies féminines. Et vous remercier pour votre bienveillance, votre patience et votre soutien. Toutes les deux. L'arrivée de la farandole de plats mis en relief avec tout l'art de la culture lykéenne aguiche l'intérêt des papilles de l'Artiste qui s'installe plus confortablement sur l'assiette de sa chaise. Maiiis-... Oui. poursuit-elle en dodelinant du chef. Ce poste me convient. J'ai-... Été recrutée en qualité de dame de compagnie de l'Héritière. J'ai eu l'opportunité-... De jouer lors de réceptions données à Dúanori, de voyager également. D'ailleurs, ma dernière prestation s'est déroulée-... Au Palais de Varys, sur Moenia. précise-t-elle, plaçant sous silence les incidents qui en ont assombri le paysage idyllique. J'ai également obtenu l'autorisation de dispenser des cours de musique aux enfants de la Maison.

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Tammy se tient à l'écoute de ce que sa protégée a à leur délivrer d'informations. Simultanément, elle dispose de petits bols dont la contenance s'évalue à un dé à coudre et y verse proprement une sauce brune dont la fragrance saline est près d'être entêtante. Le beignet à la peau distendue se déhanche au moindre séisme secouant son récipient et s'ombre d'une boulette de farce cuite en son cœur. Cependant la cuisinière n'en a pas encore terminé avec ses surprises culinaires. À ces deux plats s'ajoutent trois ramequins gonflés à ras bord d'une purée verdâtre faite de pomme de terre, de chou, d'ail et de beurre bien plus typique des régions littorales. La propriétaire des lieux balance lentement le chef afin de signaler à sa jeune voisine qu'elle entend parfaitement sa réponse, puis rive la douceur de ses prunelles vert de gris scintillant sous l'auvent de sourcils rehaussés de surprise.

— Dame de compagnie de la Petite Marquise ? C'est une sacrée promotion ! Mais cela ne m'étonne pas, tu as un rare talent Siltaar et les Lycaeus ne peuvent que le remarquer aussi, la félicite-t-elle d'un sourire comme maternel, tendre et généreux. Nous-mêmes n'avons jamais eu l'occasion d'aller sur Moenia, je crois qu'ils ne sont pas particulièrement versés dans le thé.

Un rictus espiègle si caractéristique de sa nièce pourtant affine ses lèvres nues, fière de son trait d'esprit que Dread manifeste aussitôt d'un éclat de rire sonore alors qu'elle s'installait à son tour. Baguettes et couverts plus conventionnels entourent l'assiette creuse étant manifestement le clou du repas qu'un peu d'eau au fond d'un verre accompagne sobrement.

— Oh la la, je nourris quelqu'un qui côtoie les Marquis de près, ouuh ! monologue la botaniste excitée comme une puce sur sa haute chaise sur laquelle elle se dandine promptement. C'est presque aussi bien que de les recevoir en personne ! Mais nous ne sommes pas réunies ici pour parler de travail, non. Et tu sais que tu n'y échapperas pas Sil'... Qu'est-ce qu'il te voulait, ce grand bestiau ?

Ses paupières d'autant plus plissées sous l'afflux espiègle surélevant ses pommettes ne cachent pas l'intérêt fripon dont scintillent ses iris pervenche.

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La tablée de cette trinité féminine ainsi complétée, Siltaar attrape les baguettes mises à disposition contre le flanc de son assiette creuse et part à l'assaut de l'imposant beignet tremblotant dans son jus. L'usage qu'elle fait de ses bouts de bois est peu orthodoxe cependant qu'elle éventre la pâte amollie dont la plaie suinte d'un jus de viande.

— Je suis toujours-... Aussi douée-... ! commente-t-elle dans un souffle de rire auto-dérisoire avant de battre en retraite, abandonnant le duo de baguettes récalcitrantes pour les substituer aux couverts conventionnels. À peine a-t-elle le temps de savourer la première bouchée que Dread l'asticote déjà pour l'attirer sur le sentier de son terrain de jeu favori. Le morceau de farce péniblement ingurgité se voit escorté d'une lampée d'eau avant que l'Artiste, fourchette et couteau dressés dans l'expectative de poursuivre sa pitance, lève le nez vers sa voisine de table. La prunelle vacille, sa pupille à la focale versatile formant un grain de sable d'obsidienne au cœur de sa mare lunaire. … Ce grand bestiau a un nom. Nom qu'elle se refuse pourtant de prononcer, le coinçant d'une poussée de sa langue contre l'émail de ses dents. Quant à ce qu'il me voulait, rien de particulier. Nous avons-... Parlé d'art. De musique, de dessin. Hm. Du prochain tournoi de duel sportif-... !

L'une de ses épaules s'émeut d'un vague roulis cependant que la Musicienne prélève un autre morceau de son beignet farci pour l'emboucher et le mastiquer avec un appétit non feint. Néanmoins, son regard étréci crible l'indisciplinée botaniste d'une note méfiante car elle la sait infatigable quand le zélé de sa curiosité attise son esprit à l'imaginaire exacerbé.

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Tamara amorce à son tour ce repas en empoignant d'office une fourchette dont elle maîtrise bien mieux le cours que ces affreuses baguettes glissantes, si bien que l'échec de l'estocade voisine lui arrache un rire discret quoique compréhensif. La botaniste quant à elle rompt la pâte gluante d'une main de maître et souffle momentanément sur le morceau de farce qu'elle porte à ses lèvres en cœur. Mais la réponse défensive de son invitée attise l'éclat malin de sa lorgnade vers elle.

— Oh, si "monsieur" a un nom, je ne voulais pas vous vexer ! rit-elle avec innocence, excusant son manque de manières. Bon, la musique, l'art, c'est une façon de te conquérir ça. Mais le duel sportif ? Tu comptes aller l'encourager au prochain tournoi ou l'affronter au... corps-à-corps ?

Un jeu de sourcils d'une discrétion inexistante anime les paupières bombées de l'asiatique en une ultime provocation, ses dents se frayant un chemin entre ses lèvres de plus en plus courbées d'un sourire un brin cruel et pourtant sans mauvaise intention aucune. Aspirant bruyamment une cuillère de bouillon, elle noie son délit à mesure que Tamara lui fait de gros yeux accusateurs tout en mastiquant silencieusement une fourchetée de sa salade de chou avant d'intervenir à son tour.

— De qui s'agit-il ? L'une des connaissances du jeune homme que Keverghin a blessé ce matin ? demande-t-elle toutefois, laissée hors de ces confidences féminines qu'elle ne se refuse pas à rejoindre avec plus de retenue toutefois, renvoyant la balle à sa nièce.
— ... Ça, c'est injuste Tammy, lui rétorque la jeune femme renfrognée touillant le colcannon dans son ramequin en terre cuite.

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Les yeux ronds comme des billes traduisant sa franche stupéfaction, Siltaar manque s'étouffer en avalant le chou de travers, les fins brins du végétal haché menu s'en venant irriter les parois de son œsophage. La toux surgit, qu'elle étouffe de son poing gauche, fermé en une boule de chair nerveuse. L’œil larmoyant sous sa paupière écarquillée, elle transperce l'impitoyable amie dont la langue badine, et sûrement fourchue, ne cesse de butiner la patience de l'Artiste.

— Corps-à-c-... ?! Quoi-... ?! Dread-... ?! s'exclame la jeune femme d'une voix étranglée. Tu t'entends parler-... ?! Et devant ta tante, qui plus est. chuinte-t-elle en éternelle formaliste, son buste se penchant vers l'asiatique, bien que la rétorque se veut intelligible par la trentenaire. Je me demande quel-... Animal totem s'est penché au-dessus de ton berceau. Tu es impossible.

Agitant, telle une mise en garde, sa fourchette sous le nez de la peste aux iris pervenche, elle se redresse et ajuste son assise sur le siège de la haute chaise. L'intervention de Tamara empreinte d'une réserve pertinente conquiert l'assentiment de la Musicienne dont le menton s'affirme d'un dodelinement lentement soupesé.

— … Comment se porte Irfan ? interroge-t-elle tout de go, soulagée de cette digression bienvenue.