[RP FERME] En eaux troubles

[RP]Capitale de Lykos sur l'île de Toryai
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Au mitan de cette matinée à l'ensoleillement frileux, un quatuor de cumulus au ventre replet s'amourache de ce lampion haut perché qu'avril impose, le soutenant au creux d'un écrin cotonneux que l'astre peine à quitter. Au sommet d'un cortège de falaises vertigineuses, des mouettes se disputent âprement quelque butin à écailles, leurs protestations braillées se répercutant sur les parois de schiste en échos dissonants. Sous l'auvent de ces colosses aux joues rebondies, Siltaar longe ce chemin de ronde naturel qui borde le précipice sans garde-fou. À son épaule droite oscille l'étui de cuir renfermant son précieux biwa. En cette heure précoce ne déroge-t-elle pas à ce rituel musical qui la pousse à côtoyer un amas de rochers lui servant d'estrade minérale. L'Artiste poursuit ainsi sa quête jusqu'à atteindre le seuil d'une déclivité qui se mue en sentier accotant la façade rocailleuse. En contrebas, l'océan a entamé sa lente retraite et tire patiemment sa révérence pour ne laisser qu'un parterre de goémons malmenés, de flaques d'eau salée, de sable lissé et de galets scintillants sous les feux du soleil. Nullement pressée, la jeune femme foule la sente blafarde bordée de genêts jusqu'à retrouver l'arène plane et humide de l'impressionnant rivage mis à nu. Là-bas, au pied de l'à-pic aperçoit-elle l'attroupement rocheux vers lequel elle pousse ses pas, grimpant et s'installant enfin sur le flanc d'un de ces monolithes de granit.

Méthodique, elle dézippe la fermeture éclair scellant l'étui et en extirpe tout d'abord un petit tapis étroitement enroulé sur lui-même. L'étalant, elle y pose ses genoux et s'attelle ensuite à récupérer le cordophone de bois blanc. Une poche intérieure de la housse de protection lui cède le plectre ligneux qu'elle agite adroitement entre les doigts de sa senestre.

Le biwa positionné sur ses cuisses, Siltaar cesse pourtant tout mouvement. Son regard fébrile, cerné d'ombres violacées, chasse les vestiges traumatiques que son séjour à l'hôpital civil de Seirithan lui a sombrement légués. Si elle se souvient n'avoir pas tant été confrontée à ces redoutables hallucinations que ses pairs ont subies, elle ne peut qu'admettre en avoir affronté les séquelles. Après coup. Des stigmates qui ont agi sur son cerveau à l'instar d'un dommage collatéral. Car pendant ces deux semaines d'isolement forcé, à se soumettre à moult examens médicaux, ses cauchemars ont-ils redoublé de netteté et d'intensité dans leur violence onirique. Et de fait, ses insomnies se sont-elles calquées au rythme de ces résurgences intempestives. Enfin, la nette estafilade infligée par le scalpel dérobé du maître-pâtissier s'est vu brodée d'une dizaine de points de suture dont elle sent les tiraillements sous le pansement. Malgré la fin de cette interminable quarantaine, l'Artiste lutte pour s'arracher aux tortueuses racines du sommeil. L'idée la rebute et l'angoisse. Or elle est consciente, qu'un jour ou l'autre, elle devra pousser la porte de la baie médicale de la Maison Lycaeus. Quémander de l'aide, quelle qu'elle soit, avant qu'elle ne sombre dans la folie.

Un perfide tressaillement l'extirpe de cet envoûtement contemplatif, hagard. Inspirer. Expirer. L'air marin emplit ses poumons qu'elle gonfle d'un ample sinusoïde pour en vider aussitôt l'air vicié. Sa dextre tremblante s'affaire sur le manche court tandis que sa senestre, armée de l'éventail de bois, entame son plaidoyer plaintif, presque repentant, ses notes offertes en pâture aux vagues pour l'heure démissionnaires.
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Deux semaines de quarantaine avaient réveillé en le vothian une cruelle nostalgie. Les évènements de l'hôpital civil, forts en émotions et en frayeurs, marquaient encore les esprits frappés par l'insidieux de ces spores réchappés des profondeurs d'une mer déchaînée et lui avaient rappelé le poinçon douloureux du mal du pays. À quelques dizaines de mètres de là, le ressac délavait les grains pâles de l'arène littorale et s'écrasaient sur les écueils d'une oreille au pavillon percé d'une multitude d'anneaux. Vivre cloîtré entre ces murs insonorisés le temps de quelques jours évoquait encore en lui le naturel de sa vie d'antan, souterraine et aseptisée. Un sentiment qui lui était pourtant inédit, lui qui avait grandi dans la perspective inéluctable qu'il quitterait ses terres natales à jamais, mais qui révélait cependant une différence majeure : lui n'avait plus l'option de battre en retraite sur la surface aride de Voth Prime. L'apatride avait fini par ruminer cette pensée insolite tout d'abord entre les murs épais de sa chambre d'hôpital dans l'attente de recevoir un traitement pour ses hallucinations, mais aussi et surtout entre les cloisons bétonnées de son appartement. Espérer trouver le sommeil dans la pénombre où reposait sa concubine et son fils lui était inconcevable, alors avait-il simplement préféré maintenir une forme de distance lorsque les lueurs du jour s'affadissaient. Car il lui arrivait encore, momentanément, d'apercevoir dans le recoin de ses locaux pourtant vides la présence humanoïde et rachitique d'un visiteur impromptu qu'il savait ne pas exister.

Cet épuisement moral plutôt que physique l'avait temporairement éloigné de son arène de fortune où ses compères maîtres d'armes s'évertuaient à se donner le change jour après jour. L'aptitude à la méditation n'était pas son plus grand atout, et c'est au petit matin que Zak'm avait entrepris de se dégourdir les jambes le long de la jetée de Seirithan afin de rejoindre le banc sablonneux damé par les relents aqueux y déposant leur écume. L'iode fraîche des embruns chassait efficacement les résidus paranoïaques de ses nuits pourtant sous bonne garde d'un éclairage laissé au maximum de son intensité, et ses pas réguliers quoique badins l'entraînèrent sur une corniche naturelle. Couronné de menhirs, le belvédère propose un panorama exotique aux yeux verdoyants du vothian car sous leurs pieds s'étendent quelques mètres supplémentaires de plages sauvages se jetant à corps perdu dans les flots cotonneux de l'océan. Une paillasse de lichen s'étalait sur le flanc nord de ce refuge rocheux et c'est à même ce lit doucereux que le maître d'armes s'assoit, pressant son dos contre la pierre humide afin de s'accorder un temps de répit à la lumière du jour.

Un répit qui ne sera que de courte durée quand les notes lancinantes d'un instrument retentissent à quelques mètres de lui. L'échine raidie par un sursaut l'éveille de ses songes contemplatifs, les nerfs à vif sous l'usure d'une fatigue cumulée. Néanmoins il ne manifeste pas sa présence, n'a ni la velléité de se faire connaître, ni celle d'interrompre la mélopée familière de ce qu'il reconnaît être... un biwa. La probabilité hasardeuse pour que tous deux, après avoir partagé des chambres mitoyennes, se retrouvent ainsi sur le rivage lykéen tenait de l'absurde. Un soupir nasal lui échappe, ses jambes groupées contre lui servant de pupitre à ses coudes repliés en un piédestal pour son crâne lourd. Ainsi restait-il, peut-être jusqu'à la fin de ce concerto, l'oreille tendue à la mélodie charriée par les bourrasques salées.
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"On dit que la musique adoucit les mœurs." Tels avaient été les mots du docteur Keith Carlyle. Il fut un temps où elle y croyait, et si les notes chagrines, soupirées par le cordophone larmoyant, avaient le don d'hypnotiser son auditoire, et d'en apaiser les humeurs troublées le temps d'une prestation, elle-même sentait son cœur saturé d'un trop-plein d'émotions celées. De non-dits suffocants. Car elle n'était en rien sereine. La paix que lui avait procuré cette activité artistique s'était muée en une métaphore du contrôle ; l'harmonie des notes et des silences conjugués, le rythme de ses phrasés plaintifs et ses nuances, avaient perdu de leur instinct, de leur sensibilité, dès lors qu'elle avait posé le pied sur Pyrrha. Le folklore poétique et le spirituel de ses partitions en étaient presque devenus mécaniques, et il fallait avoir l'ouïe exercée pour en percevoir le glacial bémol.

Après les tragiques événements qui avaient secoué la capitale pyrrhane, la poussant à quitter la froide atmosphère de sa planète natale, Siltaar avait cru qu'emporter dans son bagage de fugitive ce si particulier instrument l'aiderait à apprivoiser les spectres qui, au plus noir de ses nuits, s'invitaient sous l'auvent de ses paupières closes. Elle avait cru qu'elle pourrait vivre en leur compagnie. Car ce biwa était plus qu'une pièce de bois précieux, patiemment travaillée et surmontée de son quintet de cordes aux vibrations harmonieuses. Il était une extension de son art, le ricochet pernicieux d'un long et rude apprentissage.

Or la présence du fidèle biwa ne l'avait en rien soutenue. Ses onomatopées languides, ses éclats sonores, lui serraient le cœur, lui nouaient l'estomac, lui agressaient le tympan.

Exhalant un hoquet étranglé, Siltaar abat sèchement le plat de sa senestre sur le manche, écrasant sous le plectre les cordes s'égayant d'un dernier écho à la triste esquisse. Sa dextre accentue la pression de son étreinte autour de l’étroite hampe cependant que l'éventail de bois retourne frapper ces mêmes cordes, générant un son dissonant qui se réverbère contre la proche paroi de l'à-pic. L'Artiste frappe encore, et encore, et encore jusqu'à provoquer plusieurs petits impacts de fissure sur l'énorme médiator. Un sanglot éructé entre ses dents serrées, la jeune femme se lève, titubant sous l'afflux désordonné et abrupt d'émotions jusqu'alors refoulées. Tremblante, elle hisse le luth blanc au-dessus de sa tête pour l'abattre sur la table rocheuse. La violence de son acte est telle que le corps piriforme explose sous le choc. Mais loin de s'arrêter à ce geste, le bras droit de la Musicienne reprend son essor pour infliger derechef le même traitement au pauvre instrument. Une fois. Deux fois. Trois fois. Le bruit du bois explosé se mêle au grincement choqué des cordes démantelées, dont les lianes pâles pendouillent et s'enroulent autour de la main meurtrière, entamant les phalanges dont elles cisaillent la peau diaphane.

Le massacre consommé s'achève sur un cri lugubre de la dame de compagnie, un cri désespéré, extirpé du plus profond de ses entrailles et qui harcèle longtemps le rivage déserté. Le souffle court, épuisée, Siltaar s'affaisse sur les genoux, sa dextre bourgeonnant de sang, prisonnière de sa victime rageusement démantibulée. Front penché en avant, le visage dévoré par les mèches folles de sa tignasse ténébreuse, elle se perd dans un concert de sanglots que des mouettes escortent de leurs rauques railleries.
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Et la mélodie s'envenime. Les fausses notes heurtent les tympans du maître d'armes comme un aiguillon électrique et forcent sa posture avachie à s'ajuster. Les percussions dissonantes entraînent son sang chaud dans une folle farandole entre ses tempes, décelant à travers ce concerto l'agacement-... Non, la rage de l'artiste. L'éventail de bois assène son couperet sur les cordes martyrisées une fois, deux fois, désaccorde l'instrument dont les protestations chevrotantes deviennent inintelligibles. Prenant appui contre la pierre glaciale afin de se relever, Zak'm expire longuement, l'entrelacs d'agacement et de tension pesant sur son sternum. Les notes dont l'écho emplissait la panse du biwa se métamorphosent en une cacophonie de grattements bestiaux puis soudain s'interrompent. La paume apposant son sceau chaleureux sur les anfractuosités de la roche fait une halte, dans l'expectative d'un nouvel orchestre désagréable. Mais ce qui survint n'avait plus rien de musical, car le craquement brutal du bois le fit aussitôt froncer les sourcils. L'on s'acharnait cruellement sur l'instrument, l'écrasant furieusement contre le récif granitique jusqu'à ce que sa structure ne puisse plus contenir sa caisse de résonance désormais éventrée.

Un hurlement lancinant s'ensuit, parachevant cet élan rageur d'une extériorisation effrayant la faune maritime s'échappant d'un battement d'ailes paniqué. À quelques pas de sa position, le vothian apercevait déjà les vestiges échoués de cette épave musicale dont les échardes tendues vers le ciel brouillonné de pâles cumulus agonisaient une dernière fois. Et les sanglots essoufflés pleurant leur sort de léviter entre les soupirs du ressac réconfortant. Le pas acertainé de curiosité mais assoupli d'un lit herbeux, le maître d'armes quitte sa relative cachette afin de contourner les hanches massives de ce géant de pierre et courtiser les abords de ce champ de bataille dont le carmin jure aussitôt avec le terne du paysage littoral. Car le ferrugineux du sang le ramenait instinctivement dans cette aile d'hôpital où le scalpel rubescent avait dansé sous son nez, et ses prunelles verdâtres attrapaient aussitôt le poignet lacéré dont le poing clos en retenait inutilement l'humeur.

Il n'avait guère besoin de lever le nez sur cette tignasse bouclée balancée en avant tel un voile endeuillé pour déterminer à qui il avait affaire.
À sa taille, une ceinture de tissu brun lui enserrait l'estomac afin de forcer sa posture à une certaine rigueur. Savamment enroulée autour de son corps, il en défait méthodiquement l'attache afin de détourer son corps sans précipitation. Si d'aventure elle remarquait la présence de ses bottes de cuir et s'échappait, bien sûr cesserait-il son manège, mais une fois le drapé défait, voici ce qu'il voulait lui proposer : l'étoffe étendue sur ses paumes levées au ciel telle une princesse endormie, le vothian s'avance et pose un genou à terre afin d'ajuster sa taille vertigineuse à cette stature prostrée sur son piédestal brut. Sans un mot lui offre-t-il de libérer sa patte blessée de son piège barbelé afin de la draper de ce même bandeau, l'œil attentif à ses réactions farouches.
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Agenouillée sur le petit tapis dont l'épaisse toile s'est irritée de froissements sous le piétinement rageur de ses cothurnes, Siltaar ne bouge pas. Le vantail de ses paupières s'opiniâtre à empêcher les larmes de franchir leur barrage fébrile, en vain. Lourdes et brûlantes, les perles d'eau salées débordent de leur source, ruissellent sur les joues s'apâlissant au gré des relents de ce vertige émotionnel. Par saccades arythmiques, les sanglots éclatent, perturbent la relative sérénité de cet îlot granitique, en total désaccord avec le chant aquatique des rouleaux écumant leur retraite au loin. Sous la masse désordonnée de son crin charbonneux, les épaules affaissées s'émeuvent de spasmes, leur élan abrupt escortant ses souffles rudoyés par des apnées passagères.

Ce n'est que lorsque l'Artiste tente de reprendre une gorgée de cet oxygène qui lui fait soudain défaut que ses paupières s'entrouvrent. Redressant le buste, la bouche bée sur cet appel d'air salvateur, elle se statufie sur la vision floutée d'une ombre dansant sur son champ de vision émoussé. Un hoquet de confusion l'étrangle presque tandis qu'elle fomente une tentative de recul, aussitôt mise en échec par la morsure aiguë de la douleur qui cisaille les phalanges de sa main droite. La dentelle de ses cils s'agitant frénétiquement pour chasser les larmes impies brouillant sa vision, elle devine plus qu'elle ne voit la silhouette enténébrée s'approchant à pas prudents. La consternation d'avoir été surprise dans cet état déplorable de vulnérabilité glace son sang, et accélère les battements de son cœur, cependant que la physionomie, massive, masculine, se précise à mesure que son pas aborde le méplat de son perchoir. Le doute qui brièvement engourdit son cerveau n'est plus permis quant à l'identité de ce visiteur impromptu.

Zak'm.

Le temps semble suspendre son envol alors même que la jeune femme considère l'approche du vothian, la bouche entre-close sur une expression frappée d'incrédulité. L'absurde de la situation l'empêche d'émettre la moindre protestation. L'air abêti par cette apparition, Siltaar ignore pourquoi, toutefois la simple vue de cet étranger l'exhorte à confesser son soulagement dans le long et profond soupir que ses lèvres exhalent. La cuisse un instant relevée sur son délit de fuite retombe, ses muscles saturés de tiraillements nerveux se détendant dans le même élan. Elle n'en mène pas large lorsqu'elle valide, dans un mutisme honteux, la proposition d'aide du basané. Le visage souillé de pleurs, la paupière gonflée et l’œil essoré d'irritations humides, suit-elle sa lente évolution jusqu'à ce juchoir de rocaille où il la rejoint, mettant un genou à terre. Tout aussi silencieux que la misérable créature blessée qui lui fait face, s'occupe-t-il de soustraire les pâles arachnides de leur toile de cordes entremêlées. Au regard de l'état de l'épave oscillant au bout de ces fines lianes, la manœuvre n'en est que plus délicate. Quelques soubresauts de tension inconfortable agitent les doigts blessés lorsque se détachent, l'un après l'autre, les fils acariâtres. La dextre enfin libérée est anoblie de son bandage de fortune, une large ceinture de tissu brun. Une grimace froisse l'arc de sa bouche cependant que le pendule blafard, au ventre éclaté et hérissé d'échardes, glisse au pied du monolithe pour s'avachir, terrassé, sur le sable limoneux. L’œil écarquillé, comme si elle prenait soudain conscience de son acte farouche, Siltaar observe la chute de l'instrument défiguré. Le corps tressaillant, elle renifle l'humeur décolorée qui suinte au bout de son nez et l'efface d'un revers sec de sa manche.

Un chapelet de secondes s'égrène, plombant l'étrange scène de son silence intimiste avant que la Musicienne ne reporte l'attention chavirée de ses prunelles sur le faciès de cuivre de son infirmier de passage.

Merci... prononce-t-elle du rauque de sa voix abîmée, une lente et pénible déglutition animant sa gorge rudoyée.
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Le geste est délicat, la manœuvre acertainée d'un doigté certain lorsqu'il démêle l'enchevêtrement de cordes cisaillantes de cette main ensanglantée. Ritualiste, le vothian emploie une extrémité de son ceinturon telle l'amorce d'un épais bandage qu'il referme en spirales raffermies autour du maigre poignet. Tandis qu'il maintient cet entrelacs de toile d'une dextre impérieuse, sa senestre s'échappe jusqu'à l'étui planté autour d'une sangle à sa cuisse qu'il dégrafe d'un mouvement habile. De cette cachette de cuir extrait-il alors une lame qu'il déplie avec dextérité pour trancher sans autre forme de procès l'excédent d'étoffe encombrant l'arachnide affligé de ses lacérations humides, rentrant le tranchant dans son manche droit afin de ne pas le blesser plus avant. Le bout effiloché trouve alors sa place dans les replis froissés et en sécurise la bonne tenue. Cependant la ceinture ainsi réduite en lambeaux ne s'évertue pas seulement à faire office de bandage de fortune, mais un nouveau carré brun se veut découpé sans hésitation et offert en guise de mouchoir.

Durant tout ce procédé, le maître d'armes n'aura pipé mot. Derrière ce silence, il n'a guère la velléité de juger cet accès de chagrin, l'expression fermée, solennelle de qui ne se sent ni concerné ni tout-à-fait au-dessus de ça. Et ce remerciement balbutié le pousse à ne répondre que d'un sobre hochement de tête. Sa bonne action accomplie, le vothian rehausse toute sa stature et réajuste son cache-cœur noirâtre et cintré que le drapé ne maintient plus aussi bien. Ses iris smaragdins errent pensivement autour des débris de blanc peinturlurés dont les éclats s'étaient répandus comme un fétu de paille autour de sa position.

... Je constate que votre convalescence en quarantaine n'a pas suffi, et que vous en redemandez, mentionne-t-il non sans pointer du doigt sa propre clavicule.

Car il ne s'agissait pas d'aborder le sujet de ces spores hallucinogènes, mais plutôt la blessure qu'elle avait vicieusement reçue de la part de ce qui s'avérait être un pâtissier. Se penchant souplement, Zak'm rassemble quelques-uns des plus gros débris de ce massacre au pied du menhir.
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Le doute la surprend un bref instant lorsque, la dextre savamment métamorphosée en poupée brune, Siltaar jette une œillade inquiète au-delà des larges épaules de l'exilé. Peut-être se figure-t-elle la présence en décalé de sa compagne Dearbhail et de leur fils. La mire s'égare vers le sentier accotant la falaise jusqu'à son sommet déchiqueté. Nul rire d'enfant. Nulle voix de femme. Rien que l'appel tapageur des mouettes et l'ode des vagues malmenant les galets au loin. Le mouchoir découpé puis tendu se voit incarcéré entre les doigts de la senestre libre, et indemne, cependant que l'Artiste quitte l'assise de son trône de pierre pour se hisser sur ses jambes flageolantes. S'éloignant de quelques pas, elle mouche son nez avec toute la discrétion que permet la seule proximité du vothian, aussi désintéressé soit-il. L’œil rougi est tamponné d'un doigté nerveux, et ses joues humides subissent le même traitement avant qu'elle n'ose revenir sur la scène de son crime. Le carré de tissu brun serré dans la poche de ses braies bouffantes, elle marche jusqu'à l'étui de protection désormais orphelin et se baisse pour l'attirer jusqu'à sa position. Dans le même élan attrape-t-elle le petit tapis qu'elle enroule étroitement avant de lui faire réintégrer la housse de cuir. Armée de l'écrin, elle saute au bas du monolithe pour escorter Zak'm dans son ratissage de l'étroite zone que les vestiges du biwa harcèlent.

Hm. fait-elle, le sourcil froncé de contrariété, tandis qu'elle se baisse pour récupérer un trio de chevilles séparées de leur support. Dans sa rage a-t-elle presque oublié la présence de cette taillade que le maître-pâtissier lui a léguée dans un accès de folie. Toutefois ce relatif retour au calme la rappelle au bon souvenir de cette plaie chatouillant sa peau depuis la clavicule jusqu'à l'orée de l'aisselle gauche. Je suis désolée-... Que vous ayez dû assister à-... Ça. finit-elle par exprimer tout en désignant le résultat de son expressive réaction émotive d'un lent coup de menton. Entre deux haltes lui tend-elle l'étui pour qu'il y jette les débris récoltés. Je vous dois une ceinture.
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Je n'ai assisté à rien.

Le couperet de ce colosse d'airain tombe aussi sûrement que son inflexion n'est égale. Il se moque de ce qu'il a entendu, lui que les excès émotifs n'impactent pas au terme d'une longue éducation visant à les étouffer. Il n'avait assisté à rien. Qu'importait les cris enragés d'une jeune femme se pensant esseulée sur son belvédère granitique, qu'importait aussi l'acharnement disproportionné qu'elle se vouait à imposer à cette conque de bois ornementé désormais éclatée en débris longiformes. Ses sanglots, trop vite interrompus, n'ont pu lui être d'un complet soulagement et ce en raison de l'intervention furtive du vothian et son protocole. Autour, ni femme ni enfant ne se manifestaient en appels curieux à sa disparition de derrière ce géant rocheux dressé au garde-à-vous. La Musicienne était en droit de s'interroger sur la raison de sa présence solitaire en ces lieux reculés à l'orée de la capitale, lorsque sa famille avait assurément attendu son retour de quarantaine avec impatience.

Lui ne songeait guère à grand chose. Méditatif autant que faire se peut, Zak'm récolte patiemment les vestiges hérissés d'échardes du biwa éventré afin de les rassembler sur cette ceinture échevelée qu'il étend sur le limon humide, et tâche de ne pas se montrer intrusif à l'égard de sa partenaire de crime dont il rassemblait la victime avec précaution. Il n'était pas le moment des questions, quoique la froideur formaliste de l'Artiste désormais échaudée ait de quoi soulever un torrent d'hypothèses sous son front lézardé de mèches noirâtres qu'il ne prit pas soin d'attacher.

Ce n'est qu'un bout de tissu, j'y survivrai. Je ne peux pas en dire autant de votre instrument, mes talents s'arrêtent à pouvoir en attrouper les morceaux, mais je suis piètre luthier. Et pire musicien. Son humour pince-sans-rire voit son charme rompu par le rictus en coin de lèvres que cette remarque soulève chez l'odieux personnage osant moquer la situation avec un brin de légèreté. Remercions le hasard de m'avoir placé sur votre chemin.
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Il n'a assisté à rien. Du moins a-t-il entendu, pour preuve sa présence à son côté, dans toute la nonchalance désintéressée de son attitude protocolaire. Toutefois Siltaar lui sait-elle gré de cette discrétion dont il fait preuve à son égard, car elle n'aurait pu ou su supporter la moindre pitié ou commisération. Et encore moins l'indiscrétion d'un interrogatoire qu'elle aurait sans nul doute jugé intrusif. Et si elle ne verbalise guère le merci qui lui chatouille la langue, du moins le traduit-elle d'un regard appuyé qu'elle escorte d'un notable hochement de tête.

Nous dirons donc que le hasard fait bien les choses. repartit-elle en détournant le feu glacé de ses prunelles cependant qu'elle l'invite, d'un geste insistant, à nourrir l'étui béant de son butin.

Pour tout instrument lui reste-il le biwa que la Comtesse Elara Nyrion, suite aux tragiques événements qui ont perturbé les murs du Palais de Varys sur Moenia, lui a adressé en guise de sincère reconnaissance. Néanmoins, bien qu'il s'agisse d'un tout autre instrument dont l'histoire auprès d'elle n'a pas encore été écrite, la seule éventualité de renouer avec sa particulière sonorité agite son estomac d'un soubresaut nauséeux. Elle trouverait une échappatoire à ce revirement inattendu. Elle avait juste besoin de tourner cette sombre page d'un passé qui lui collait à la peau telle une sangsue vorace.

Une fois les limites du périmètre restreint de son crime ratissées jusqu'à qu'il n'y ait plus de débris à ramasser, l'Artiste zippe la fermeture à glissière de la housse de cuir qu'elle charge contre son dos en faisant passer la large sangle par-dessus sa tête. Ses mains se liguent pour déloger la masse conflictuelle de sa chevelure d'ébène coincée sous l'encombrant fourreau, avant de l'entortiller sans ménagement. L'informe serpent charbonneux se glisse sous le col évasé de son kuraïmoiré où il semble pour l'heure dompté, si ce n'est l'apparition de quelque tortillon rebelle tressautant à ses tempes.

Vous êtes loin de votre aire de jeu. Vous boudez l'entraînement, ce matin ? amorce-t-elle tout en calant une boucle derrière son oreille gauche. Geste vain. Ses prunelles déambulent vers l'immense plateau aréneux que la marée basse a dévoilé. Entre des amas de patates rocheuses, des mares d'eau salée scintillent sous les feux avares de l'astre solaire, leur surface hantée parfois par le reflet de mouettes quêteuses de coquillages charnus. La frange de ses cils batifolent brièvement avant qu'elle ne reporte son attention sur le brun faciès de l'exilé. D'ailleurs, comment se porte-... La cheville de votre ami ? Irfan, c'est ça ?
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Méthodiquement, Zak'm enveloppe les débris dans ce morceau de chiffon brunâtre dont il tortille les extrémités pour former un ballotin sécurisé autour des dangereux écueils du biwa brisé. L'invite de la Musicienne d'en disposer le poids dans cet étui autrefois taillé pour en recevoir les courbes si particulières se voit exaucée lorsque le paquetage informe retrouve le fond velouté du moule. Le poignard revenu dans son propre fourreau contre sa cuisse est de nouveau incarcéré derrière une sangle de cuir qu'un bouton pression assure. En bonne soliste, la fermeture éclair râcle l'air de ses crans métalliques en une mélodie monocorde cependant que l'Artiste interroge à juste titre le vothian sur ses activités matinales étonnamment éloignées de son cercle aréneux habituel. Rendu à une posture rectiligne, sa dextre encarcannant le poignet opposé, il dodeline du chef et fait balloter les longs filaments de sa crinière emportés par les bourrasques iodées.

Disons cela. Je l'évite afin de ne pas me blesser dans l'effort, au regard du sommeil troublé que toute cette affaire scientifique a pu provoquer. J'irais jusqu'à dire qu'elle m'a forcé à lever le pied sur ces entraînements incessants. Mais je compte m'y remettre dès que je me sentirai en meilleure possession de mes moyens.

Les perturbations oniriques que les rescapés de cette aile d'hôpital soumettaient leurs esprits encore marqués par l'effet de ces étranges spores venues de ce large sans fin à d'envahissantes visions. Ces créatures s'affadissaient avec les jours, l'ombre de leurs doigts crochus ne venait plus gratter celle de nos silhouettes mais leurs corps rachitiques, difformes, résidaient encore dans l'angle de son champ de vision dès que le ciel se parait de ses plus beaux atours endiamantés. Si bien que ces manquements à la qualité de son sommeil ont imposé au maître d'armes une retenue plus pertinente que de s'obstiner à manier ses armes au risque de finir comme-... La remarque de la Musicienne tombait à pic. Le jeune homme dont il avait presque la garde s'étant blessé avant le déroulement chaotique de leurs dernières semaines avait dû lui aussi se tenir éloigné de ses fâcheuses habitudes martiales.

Irfan, oui. J'apprécie que vous vous en souciiez. Il galope de nouveau comme un poulain, mais doit protéger son articulation fragilisée dans une chevillère s'il veut continuer ses pitreries. J'aurais préféré superviser ses dernières exactions mais je me sais trop indiscipliné pour résister à l'envie de m'en mêler. Indiscipliné, Zak'm n'en avait ni l'air, ni même le zeste. La note finale de cette remarque devient donc une habile funambule sur le fil du sarcasme. Souhaitez-vous que je vous accompagne à un dispensaire ?

Après tout, le mal était fait : ses méditations n'allaient pas retrouver de sitôt leur sérénité.
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